Sylvie CHRISTOPHEArticle ...
[Retour à Sélection de textes consultables ...]

“ ...JE DESSINE, JE COUDS MES TABLEAUX... ”


Sylvie, pouvez-vous nous décrire votre travail actuel ?Sylvie Christophe, Ange, 1999, détail.

Je travaille toujours à partir de papiers, souvent récupérés mais aussi achetés au moulin du Verger à côté d'Angoulême : ce sont des papiers avec une histoire, ces papiers ne sont pas neutres, ils racontent quelque chose, ils me précèdent dans mon travail.

Depuis plusieurs années déjà, mes supports sont des sacs en papier dépliés puis peints de façon très gestuelle. C 'est ensuite que je tisse, mèle, entrecroise d'autres papiers préparés à l'avance (comme une sorte de collection) que je coupe au couteau, aux ciseaux, en bandes plus ou moins longues, plus ou moins étroites. D'autres fois, je déchire simplement des papiers de soie que je roule entre mes doigts pour en faire de fins lacets.

Ainsi naissent des damiers alternant avec de libres surfacent tissées. Les derniers mois, j'ai ajouté aux différents tissages des motifs peints au pochoir.


Quels sont les évènements et les rencontres qui ont été déterminantes dans votre démarche ?

Le travail que je fais actuellement s'est rapidement construit pendant l'hiver 86-87. J'avais rencontré, les années précédentes, Claude Lagoutte, peintre mais aussi voyageur. Mes rares mais fertiles rencontres avec lui ont affirmé mes tentations à travailler les assemblages de papiers colorés. Et tout de suite, je me suis mise à travailler à partir des tapis orientaux, à cause de leur composition en champs et bordures.

Plus tard, je suis partie au Maroc pour découvrir là-bas d'autres motifs de tapis et d'autres couleurs : celles des paysages aux architectures de terre.

En plus, j'ai toujours eu ce goût pour le travail manuel, pour ce qui se fait à la main, pour un minutieux bricolage, pour les pliages, mais aussi pour la couture, la broderie.


Vous inscrivez-vous ainsi, au travers d'apports culturels variés, dans une tradition local du travail de l'aiguille ?

J'aime broder et j'ai pensé un moment apprendre le poinct de Tulle. C'est vraiment la technique qui m'intéresse : comment se fait le travail, comment sont les noeuds ?

Pourquoi ne pas envisager un travail des différents noeuds dans des matières et pour des motifs pour lesquels ils ne sont pas prévus ? Cela peut être un projet pour un nouveau travail.


Kurt Schwitters disait : “ je suis peintre, je cloue mes tableaux ” ...la couturière est-elle proche en ce sens du charpentier ?

La couture a deux fonctions. Elle permet d'abord d'assembler. Elle permet de rassembler des morceaux disjoints sans aplatir. La couture permet de garder des volumes, du gonflant, aux papiers pliés ou tissés.

La couture a aussi fonction de souligner. C'est un trait tracé finement, un fin dessin ou une fine dentelle parfois.

Je préciserais : je dessine, je couds mes tableaux.


Parlez-nous de votre machine à coudre.

C'est une vieille PFAFF de couturière. Elle pique tout ce qu'on veut au point avant. Elle avance régulièrement. Quand nous l'avons récupérée avec Didier (mon mari), il a fallu la remettre en marche : mettre un peu d'huile, changer la courroie et refaire quelques réglages. Elle est repartie très rapidement.

Pour conduire une machine à coudre, il faut tout le corps : les pieds et les jambes pour pédaler et donner de l'élan, le corps tout entier pour suivre le mouvement de la machine, les mains pour guider le travail sans le perdre des yeux... Et puis ce bruit de locomotive qui rappelle les rythmes de boogie-woogie.


Au-delà de la présente exposition à l'atelier-galerie d'Empreintes, quels sont vos projets ?

Je veux prolonger ce qui est montré ici, un travail au pochoir inspiré de motifs de carreaux de céramique cisterciens. J'ai découvert ces dallages à Aubazine à la fin de l'été 98. Les moines cisterciens utilisaient eux-même pour ces motifs le pochoir selon une technique précise que j'ignore. A plus long terme, je souhaite développer le travail des noeuds évoqués tout à l'heure.


Pour conclure, qu'avez-vous envie de confier à nos adhérents qui puisse les inciter à venir voir vos oeuvres ?

Par l'invitation jointe, chacun aura un vrai fragment de peinture. C'est en confiant ainsi à chacun un élément, un motif de mon travail, que j'espère éveiller une curiosité, une émotion...


Propos recueillis par Marc Murat



Marc Murat, plasticien, est professeur agrégé d'arts plastiques, directeur de l'ESPE deTulle.

       [retour à la page d'accueil]